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#Tax & Legal #Business & International Tax #Immobilier

Votre entreprise dispose de biens immobiliers privés ? Assurez-vous d’avoir une base solide !

Mardi 19/07/2022

Depuis quelque temps, l’administration fiscale belge surveille de près le traitement fiscal des biens immobiliers privés des entreprises. De nouvelles théories entraînent une évolution de la jurisprudence. Ce qui est certain, c’est qu’une bonne base, suffisamment étendue, est essentielle pour maximiser les chances d’acceptation.

Où blesse le bât ?

Les frais encourus par une entreprise ne sont déductibles fiscalement que s’ils sont engagés dans le but d’obtenir des revenus imposables. Si ces frais concernent la mise à disposition gratuite d’un bien immobilier à un dirigeant d’entreprise pour loger sa famille, ils ne génèrent pas de revenus directs. La mise à disposition des biens fait partie de l’enveloppe salariale du dirigeant. Elle est imposée comme un avantage de toute nature. Si le dirigeant peut démontrer qu’il effectue des prestations pour l’entreprise, et donc qu’il engendre des revenus imposables, il est, à tout le moins indirectement, question de revenus imposables par rapport aux coûts. C’est également ce qu’a confirmé la Cour de cassation en 2016.

Ce raisonnement, connu sous le nom de « théorie de la rémunération », a déjà fait couler beaucoup d’encre dans la jurisprudence et la doctrine fiscale. Les preuves de ces performances, et/ou du lien avec la rémunération, s’avèrent souvent insuffisantes.

Théorie de la rémunération : deux arrêts récents

Deux arrêts récents de la Cour d’appel d’Anvers illustrent le fait qu’un cas n’est pas l’autre.

Une base et une documentation claires

Le premier arrêt, daté du 18 janvier 2022, concernait une société de médecine qui possédait la pleine propriété d’une habitation abritant un cabinet médical (occupant 20 % de la surface). La partie privée (les 80 % restants) était mise à la disposition du médecin, lequel était taxé sur cette partie. L’octroi de cet avantage était consigné dans le procès-verbal de l’assemblée générale annuelle.

Les premières années, l’administration accepte la déduction des coûts. Mais lorsque la société augmente la rémunération en espèces du dirigeant, les choses changent. L’administration est d’avis que suite à cette augmentation, il n’est plus possible de démontrer que la mise à disposition s’accompagne de prestations. Selon l’administration fiscale, celles-ci seraient déjà suffisamment rétribuées par l’augmentation de la rémunération.

Dans ce cas, la Cour a accepté les contre-arguments du contribuable. L’entreprise avait un chiffre d’affaires important qui n’avait cessé d'augmenter au fil des ans. Le médecin-dirigeant était la seule personne active dans l’entreprise, et donc la seule à qui le chiffre d’affaires pouvait être attribué.

Référence sommaire

Le second arrêt, daté du 29 mars 2022, concernait également une société de médecine qui possédait une maison en pleine propriété, laquelle était mise entièrement à la disposition du dirigeant. Elle n’abritait pas de cabinet médical. Or, le procès-verbal de l’assemblée générale annuelle ne mentionnait l’octroi des avantages au dirigeant que pour l’une des années concernées et ce, de manière fort sommaire et avec fort peu de détails. L'octroi des avantages n’était pas du tout mentionné pour l’autre année.

Dans ce cas, la Cour a considéré que la preuve des prestations effectives n’était pas apportée. La référence aux prestations fournies n’était que très générale et la documentation, fort limitée. Les chiffres de la société ne représentaient pas non plus les prestations réelles.

La théorie de la plus-value comme solution ?

Un autre moyen de prouver l’existence de revenus imposables dans le chef de l'entreprise concerne le potentiel de plus-value du bien immobilier. Si une telle plus-value est réalisée ultérieurement, elle est imposable dans le chef de l’entreprise. Cette piste s’applique toutefois uniquement si la société a la pleine propriété du bien et n’en est pas simplement usufruitière ou superficiaire. Même alors, une plus-value imposable n’est toutefois pas totalement exclue.

La Cour de cassation affirme en 2020 qu’il peut effectivement s’agir là d’un motif permettant de justifier la déduction des frais. Toutefois, elle précise que la simple présomption d’une plus-value ne suffit pas. Il doit y avoir une intention de réaliser une plus-value. Là encore, il importe donc de pouvoir démontrer que cette intention était déjà présente au moment de l’achat.

Le potentiel de plus-value a également été évoqué dans l’arrêt précité du 29 mars 2022. Mais sur ce point également, la Cour a jugé que l’entreprise n’avait pas pu démontrer qu’elle avait bien eu dès le départ l’intention de réaliser une plus-value avec le bien immobilier. Une tendance générale à la hausse du marché immobilier ne suffit pas à justifier la déduction des frais liés au bien immobilier. L’entreprise n’a pas non plus été en mesure de démontrer un rendement attendu concret.

La piste de la location

Si un bien immobilier est loué au dirigeant d’une société, par exemple, on peut parler de revenus imposables en contrepartie de l’investissement.

Le revenu locatif ne peut pas être simplement symbolique ou structurellement trop faible. Même une location pour une période limitée de l’année ne suffit pas. Un investissement dont les revenus attendus ne permettent pas à l’entreprise de réaliser un rendement positif, et qui est donc structurellement déficitaire, ne suffira donc probablement pas non plus comme preuve. Il en va de même si le loyer est fixé en fonction du montant de l’avantage de toute nature.

Ici aussi, il importe de pouvoir démontrer que les frais font partie d’un plan d’investissement dont le résultat est positif.

Mise en œuvre, base et preuves solides

Vous commencez sans doute à saisir le fil conducteur. La jurisprudence nous enseigne que la théorie de la rémunération, la théorie de la plus-value et la piste de la location présentent toutes de bons arguments pour défendre la déduction fiscale des frais liés à un bien immobilier privé. Mais une mise en œuvre, une base et des preuves solides sont essentielles pour chaque piste.

C’est pourquoi nous aimerions vous prodiguer quelques conseils pour chaque piste.

Théorie de la rémunération
  • Des prestations réelles et démontrables, de préférence suffisamment importantes pour justifier la mise à disposition, ont toute leur importance. Le dirigeant d’une société immobilière qui gère seulement une ou quelques propriétés pourra sans doute difficilement s’en servir comme preuve.
  • Établissez un rapport de rémunération dans lequel vous décrivez la composition du salaire. Justifiez-le à la lumière des prestations et des revenus imposables fournis en contrepartie. Une référence à des prestations supplémentaires ou à la réduction de la composante de la rémunération en espèces pour compenser la mise à disposition n’est pas nécessaire, même si elle peut aider.
  • Indiquez l’avantage sur la fiche et incluez-le dans l’impôt des personnes physiques du dirigeant.
  • Assurez-vous que l’assemblée générale annuelle approuve la rémunération, avec une référence au rapport de rémunération.
  • Une utilisation mixte, en partie professionnelle au moins, offre plus de chance de succès qu’une utilisation purement privée, comme par exemple une résidence secondaire à la côte.
Piste de la location
  • Il importe de posséder un plan financier qui montre un retour sur investissement positif en comparant les coûts d’investissement et les autres frais immobiliers avec les revenus locatifs budgétés.
  • Étayez les revenus locatifs budgétés, à l’aide par exemple d’une comparaison avec des propriétés similaires ou au moyen d’un rapport effectué par un évaluateur.
  • Signalez la décision d’investissement et son importance pour l’entreprise, le cas échéant également sous l’angle d’un conflit d’intérêts potentiel entre le dirigeant et son entreprise.
  • Rédigez un contrat de location et faites-le enregistrer.
Potentiel de plus-value : considérations supplémentaires
  • Étayez l’augmentation de prix envisagée, par exemple sur la base de projections futures ou d’informations statistiques passées.
  • Incluez l’intention de réaliser une plus-value. Pour ce faire, vous pouvez par exemple étoffer le procès-verbal reprenant la décision d’investissement.

Bon à savoir. Si seul l’usufruit du bien immobilier est détenu, il existe des considérations supplémentaires que nous ne détaillerons pas ici. N’hésitez toutefois pas à nous contacter si vous avez des questions.

La morale de l’histoire : une bonne base est essentielle. Comme aujourd'hui, pour maximiser vos chances de succès, celle-ci doit être plus étendue que par le passé, mieux vaut évaluer les constructions existantes reprenant des biens immobiliers privés et, si nécessaire, fournir des justifications supplémentaires.

Vous avez des questions à ce sujet ou vous avez besoin d’aide ? N’hésitez pas à contacter nos experts.

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Dimitri Lemeire

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Tom De Clercq

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