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#Tax & Legal #Business & International Tax #Transfer Pricing

Prix de transfert en mouvement : que réserve 2025 aux entreprises belges ?

24/01/2025 | Temps de lecture : 7 minutes
Martijn Van den Boer
Martijn Van den Boer
Senior Manager Tax & Legal Services
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La nouvelle année apporte plusieurs modifications à la législation belge en matière de prix de transfert. Une fois de plus, les entreprises multinationales devront tenir compte d'obligations de reporting supplémentaires et d'exigences de plus en plus strictes de l'administration fiscale. Ainsi, 2025 promet notamment l’introduction de nouvelles règles de documentation en Belgique, la possible mise en place de l’approche "Simplified & Streamlined" pour certaines activités de marketing et de distribution (anciennement appelée "Amount B"), ainsi qu’une administration fiscale qui continuera de se concentrer sur les transactions financières.

Nouvelles règles belges en matière de documentation

À partir de l’exercice 2025, les règles belges en matière de documentation des prix de transfert seront renforcées. L’objectif est clair : créer davantage de transparence. Le renforcement des règles existantes s’appliquera aux exercices débutant le 1er janvier 2025 ou après cette date et affectera l’ensemble du cadre documentaire belge : le dossier de groupe (275MF), le dossier local (275LF) et la notification CBC (275 CBC NOT). Bien que cette documentation en trois volets ne soit pas une nouveauté en Belgique, rappelons d’abord son champ d’application.

Le dossier de groupe et le dossier local

Les entreprises belges faisant partie d’un groupe international sont tenues d’établir le dossier de groupe et le dossier local belge si elles dépassent au moins un des seuils financiers suivants :

  • Un total de 50 millions d’euros de revenus opérationnels et financiers, hors revenus non récurrents ;
  • Un total de bilan de 1 milliard d’euros ;
  • Un effectif moyen de 100 équivalents temps plein par an.

Les obligations de reporting Country-by-Country

Ces mêmes entreprises belges doivent également se conformer aux obligations de reporting Country-by-Country (CBC) (275 CBC NOT et/ou 275 CBC si elles sont l’entité mère ultime) lorsque le chiffre d’affaires brut consolidé dépasse 750 millions d’euros.

Les modifications concrètes applicables à la documentation en trois volets sont détaillées ci-dessous.

Le dossier local (275LF) apporte une transparence supplémentaire :

  • Rapport distinct par pays : les transactions transfrontalières (biens, services et transactions financières) doivent désormais être déclarées par entité et par pays (auparavant, une présentation agrégée était autorisée).
  • Méthodologie et études de prix de transfert : alors qu’il suffisait auparavant d’indiquer leur existence et disponibilité, ces éléments devront désormais être effectivement soumis avec le formulaire.
  • Contrats-cadres et modèles de contrats : les contrats-cadres ou modèles de contrats liés à la politique de prix de transfert devront également être soumis avec le formulaire.

Étant donné que tous les documents disponibles justifiant la politique de prix de transfert devront dorénavant être déposés, les entreprises multinationales doivent (re)considérer si l’élaboration d’une documentation locale (conformément au concept de Local File des lignes directrices de l’OCDE en matière de prix de transfert) ne devient pas une nécessité. Un tel Local File permet en effet d’apporter des explications et une justification détaillée de la méthodologie de prix de transfert appliquée et des accords sous-jacents.

Pour le dossier de groupe (275MF), l’administration fiscale applique désormais des règles allant au-delà des exigences prescrites par les lignes directrices internationales (OCDE sur les prix de transfert) :

  • Cadre analytique et analyse fonctionnelle : le cadre analytique de la chaîne de valeur du groupe et l’analyse fonctionnelle devront être décrits plus en détail. Cela permettra à l’administration fiscale d’obtenir une meilleure visibilité sur les activités (ex. : achats, production, R&D, etc.) générant le plus de valeur ajoutée (en termes de rentabilité) au sein du groupe multinational. Ces informations supplémentaires devront obligatoirement être cohérentes avec la politique de prix de transfert appliquée.
  • Informations sur les fonctions DEMPE : davantage d’informations devront être fournies sur les fonctions Development, Enhancement, Maintenance, Protection and Exploitation (DEMPE) associées aux actifs incorporels (tels que savoir-faire, goodwill, brevets, etc.). Un cadre analytique détaillé devra être présenté afin que l’administration fiscale puisse mieux comprendre les contributions économiques des parties impliquées dans ces actifs. Dans ce contexte, la simple propriété juridique d’un actif incorporel aura une importance secondaire en ce qui concerne la répartition des résultats résiduels. De plus, une liste des actifs incorporels difficiles à évaluer devra être incluse si de telles transactions ont eu lieu.
  • Activités financières : la politique financière appliquée et les transactions financières, tant au sein du groupe multinational qu’avec des tiers, devront être décrites de manière plus détaillée.

Les obligations de notification CBC (275 CBC NOT) sont étendues : le formulaire devra préciser s’il s’agit d’une première notification, d’une modification d’une notification précédente, ou d’une cessation d’obligation de déclaration.

Ces nouvelles exigences soulignent l’importance d’une documentation précise et détaillée pour les entreprises multinationales opérant en Belgique. Il est essentiel de s’y préparer à temps afin d’éviter toute sanction en cas de non-conformité (ou de conformité insuffisante).

Approche “Simplified & Streamlined”

Avec l’approche Simplified & Streamlined (S&S), l’OCDE vise, comme son nom l’indique, à simplifier la fixation des prix de transfert intra-groupe pour certaines transactions standard de marketing et de distribution. Pour parvenir à cette simplification, la méthode S&S repose sur la réglementation existante en matière de prix de transfert et y ajoute une méthodologie de tarification standardisée. Ainsi, pour les transactions éligibles, il ne serait plus nécessaire de réaliser des analyses économiques approfondies (benchmarking). Une rémunération appropriée pourrait être déterminée sur la base de quelques paramètres, tels que le type d’industrie et certains ratios financiers.

Il n’existe pas de seuils financiers spécifiques délimitant le champ d’application de l’approche S&S. Dès lors qu’une transaction "éligible" existe entre une entreprise belge et une entité liée étrangère, l’approche S&S peut (ou doit) être appliquée. Toutefois, cette méthode ne peut pas être utilisée pour certains types de ventes (matières premières, services, etc.). De plus, si d’autres activités, telles que la recherche et développement ou la production, sont exercées, elles pourraient empêcher l’application de cette approche.

L’OCDE estime que l’application de l’approche S&S entraînera une simplification du principe de pleine concurrence, ce qui devrait, selon elle, réduire les litiges liés aux prix de transfert, abaisser les coûts administratifs et offrir une plus grande sécurité fiscale, tant pour les administrations fiscales que pour les entreprises.

L’impact réel de cette initiative de l’OCDE reste pour l’instant incertain. En effet, de nombreux pays n’ont pas encore pris position quant à l’adoption de cette réglementation. Même si la Belgique devait implémenter l’approche S&S, il n’est pas encore établi si son application serait optionnelle ou obligatoire.

Contrôles fiscaux sur les transactions financières

L’administration fiscale devrait continuer à exercer un contrôle strict sur la fixation des prix des transactions financières en 2025. De plus en plus, son attention se déplace vers la "qualification" d’une transaction donnée (par exemple, un compte courant ou un prêt à long terme) plutôt que vers une simple évaluation du taux d’intérêt appliqué. Ainsi, les conditions entourant la transaction – moment d’émission, nombre d’emprunts, durée choisie et effective, capacité d’endettement de l’emprunteur – seront davantage prises en compte. Si la justification sous-jacente est jugée insuffisante (ou inexistante), les conséquences fiscales pourront rapidement se faire sentir. Il est donc d’autant plus essentiel d’apporter une justification solide aux transactions financières intra-groupe.

Quelques étapes pratiques à considérer impérativement :

  • Il est crucial de cartographier les transactions : toute analyse en matière de prix de transfert débute par une identification du contexte factuel. Cette démarche implique de répondre à plusieurs questions : comment sont structurés les financements internes ? Quelles positions sont actuellement ouvertes ? Depuis combien de temps ces positions sont-elles en place ? Quelles sont leurs conditions ? Quels sont les besoins futurs ?
  • Une fois cette analyse réalisée, il convient d’établir une justification appropriée. Il est important de vérifier si chaque transaction est bien accompagnée d’une documentation adéquate, tant sur la nature de la transaction financière que sur les critères sous-jacents (qualification de la transaction, notation de crédit, taux d’intérêt appliqué, etc.). Si ce n’est pas le cas, il est fortement recommandé d’y remédier sans tarder.
  • La documentation constitue l’élément central de toute démarche en matière de prix de transfert. Il est essentiel de conserver toutes les preuves justificatives nécessaires, y compris les contrats et les rapports de prix de transfert. Étant donné que les transactions financières figurent souvent au bilan pendant de longues périodes et trouvent leur origine dans un passé parfois lointain, il est d’autant plus important d’archiver correctement les analyses historiques.
  • Enfin, il est nécessaire d’évaluer régulièrement la pertinence des accords passés. Ce qui était juste et logique à un moment donné ne l’est peut-être plus aujourd’hui. Il est donc crucial de revoir périodiquement les positions financières en cours afin de garantir leur conformité aux conditions actuelles du marché.

Mettre en place ces actions ne permet pas seulement de limiter les risques fiscaux, mais peut aussi offrir des opportunités. En effet, une analyse détaillée de la structure de financement d’un groupe contribue au pilotage des flux de trésorerie futurs et peut, dans le meilleur des cas, permettre de réduire les charges de financement externes grâce à une entité de financement centralisée. De plus, l’utilisation d’une telle entité pourrait également avoir un impact positif sur d’autres aspects fiscaux, comme le droit à déduction de la TVA au niveau d’une holding.

Conclusion

L’année 2025 s’annonce riche en évolutions pour les entreprises belges, en particulier celles opérant au sein de groupes multinationaux. Le renforcement des obligations documentaires, la possible introduction de l’approche S&S et la poursuite des contrôles fiscaux ciblés sur les prix de transfert nécessitent une vigilance accrue.

Si ces évolutions représentent des défis, elles offrent aussi des opportunités aux entreprises pour renforcer leurs processus internes et optimiser leur stratégie fiscale. En anticipant ces changements et en adaptant leur documentation, les entreprises pourront non seulement se conformer aux nouvelles exigences, mais aussi poser les bases d’une gestion fiscale plus robuste et pérenne dans un environnement fiscal de plus en plus complexe.

Si vous souhaitez un accompagnement pour analyser votre méthodologie de prix de transfert et assurer la conformité de votre entreprise aux obligations belges en matière de prix de transfert, n’hésitez pas à contacter nos spécialistes.

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