Le principe: pas de déduction sans facture conforme
Tant le droit européen (la directive TVA) que la législation belge en la matière partent du principe qu'un assujetti à la TVA doit disposer d'une facture d'achat conforme afin d'exercer son droit à la déduction de la TVA (qui doit, de toute évidence, être liée à l'activité ou aux opérations qui donnent lieu à la déduction ─ ce qui est un autre sujet). La notion de «facture d'achat conforme» doit être interprétée ici comme une facture qui contient toutes les mentions obligatoires reprises dans la liste des mentions qui doivent apparaître sur cette facture.
Ainsi, il est obligatoire de mentionner sur une facture la quantité et la nature des services fournis sans qu'il soit cependant nécessaire de décrire ces services spécifiques de façon exhaustive... et voilà justement le point sensible du cas présenté à la Cour de justice.
Une vague description sans période bien délimitée sur une facture
Un assujetti à la TVA portugais avait fait appel aux services d'une société d'avocats. Pour ces services, la société d'avocats a émis des factures avec TVA, comportant la mention «services juridiques pour la période du... jusqu'à ce jour».
Dans sa déclaration TVA, l'assujetti a déduit la TVA figurant sur ces factures. Néanmoins, l'administration de la TVA portugaise estimait cette déduction illicite, étant donné que ces factures n'étaient pas conformes en l'absence d'une description précise des services fournis.
....ne suffit toujours pas comme mention sur une facture!
La Cour de justice suit la vision de l'administration de la TVA portugaise comme quoi la description sur la facture de la société d'avocats est insuffisante. Il n’est pas possible d’estimer correctement l’ampleur des services fournis sur la base de cette description. Lorsqu'il s'agit de services permanents, la facture doit clairement indiquer la période à laquelle se réfère la facture. Cette facture doit dès lors mentionner les dates du début et de la fin de la période des services rendus.
Mais ceci ne constitue nullement une entrave au droit de déduire la TVA!
Outre la constatation que les factures ne répondent pas aux conditions légales, la Cour de justice ajoute un complément important. Si en dépit du « vice formel » constaté par l'administration, la TVA a été déduite à juste titre, l'administration n'a pas le droit de rejeter cette déduction. En effet, l'administration de la TVA est dans l'obligation de tenir compte de toute information figurant sur lesdites factures et des autres justificatifs et/ou des informations complémentaires fournis par l'assujetti. La Cour défend ainsi sa position comme quoi le droit à la déduction ne peut pas être refusé du seul fait que la facture n'est pas conforme aux exigences formelles.
En outre, la Cour estime que ce raisonnement n'empêche pas des amendes ou des sanctions pécuniaires, proportionnelles à la gravité de l'infraction, afin de sanctionner pénalement le non-respect des dispositions formelles.
Concrètement, quelle incidence pour les factures belges?
Cette décision de la Cour de Justice est certes une excellente nouvelle pour les assujettis dans notre contexte belge très formel, mais, il faut néanmoins rester prudent.
Cet arrêt n'est pas un sauf-conduit qui permettrait de ne plus se soucier de l'exactitude des factures d'achat reçues. D'une part, la Cour de justice ne s'oppose pas à des sanctions (proportionnelles) pour le non-respect des exigences formelles, ce qui peut soutenir la position de l'administration de la TVA belge. D'autre part, cet avis peut nous aider à tempérer la position souvent sévère de l'administration de la TVA belge et à sécuriser le droit à la déduction dans des situations où la facture ne serait pas tout à fait conforme, mais où les circonstances factuelles ou d'autres arguments prouveraient le droit à cette déduction.