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#Tax & Legal #Business & International Tax #Propriété #Société

Fin du droit de partage en cas de sortie d’un bien immobilier d’une société ?

Mardi 24/05/2022

Dans un arrêt récent, la Cour constitutionnelle a restreint l’application du droit de partage en cas de sortie d’un bien immobilier au profit des actionnaires d’une société anonyme. Si la conversion en société à responsabilité limitée peut constituer une solution, la prudence est de mise.

Droits d’enregistrement : droit de partage ou droit de vente

Si un bien immobilier appartient à plusieurs copropriétaires et que ceux-ci décident de sortir d’indivision, ils devront acquitter un droit de partage. En Flandre, celui-ci s’élève actuellement à 2,5 %. En cas de vente d’un bien immobilier, c’est un droit de vente de 12 % (depuis le 1ᵉʳ janvier 2022) qui s’applique.

En principe, la sortie d’un bien immobilier d’une société au profit des actionnaires est également soumise au droit de vente. C'est la conséquence d’une fiction fiscale. C’est pourquoi, en pratique fiscale, les biens immobiliers sont dès le départ mis en indivision entre l’actionnaire et la société, par exemple dans un rapport de 99 % à 1 %. En cas de sortie, c’est donc le droit de partage, beaucoup plus intéressant, et non le droit de vente, qui s’applique.

Position de l’administration

En 2014, le SPF Finances a décidé qu’en cas de sortie au profit des actionnaires, le droit de vente doit primer sur le droit de partage. Il se basait pour ce faire sur la priorité de la lex specialis sur la lex generalis, une position également adoptée par l’administration fiscale flamande (VLABEL) en 2015.

Bien que ce point de vue ait fait l’objet de nombreuses critiques, la jurisprudence a également approuvé cette position en cas de sortie par une SA au profit de ses actionnaires. Un recours devant la Cour suprême a été introduit contre cette décision. La Cour de cassation a ensuite soumis deux questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle pour vérifier si ce point de vue ne violait pas le principe d’égalité.

Confirmation de la Cour constitutionnelle : pas de discrimination

En conséquence du point de vue énoncé ci-dessus, le droit de vente est applicable lorsqu’une personne physique actionnaire sort de l’indivision. Toutefois, une personne physique qui ne serait pas associée peut toujours appliquer le droit de partage. Aucune distinction n’est faite si l’associé a déjà payé le droit de vente (avec ou sans la société) ou s’il a acquis le bien sans jamais payer de droit de vente.

À la question préjudicielle de savoir si ce point de vue viole le principe d’égalité, la Cour constitutionnelle a répondu par la négative.

L’arrêt de la Cour semble fermer définitivement la porte aux SA et à leurs actionnaires qui souhaiteraient valoriser fiscalement l’achat et l’affectation ultérieure d’un bien immobilier au moyen du droit de partage. Le droit de vente s’applique donc inexorablement, même si, juridiquement, il est toujours question d’une sortie d’indivision.

Tout n’est pas perdu pour autant

Le fait que cette piste d’optimisation soit exclue pour la société anonyme (SA) ne change rien au fait que la société à responsabilité limitée (SRL) peut toujours recourir au droit de partage.

Deux exceptions au droit de vente s’appliquent aux actionnaires de la SRL. Si les conditions de ces exceptions sont réunies, la sortie sera imposée en fonction de la nature de droit commun de l’acte juridique. En d’autres termes, la fiction du droit de vente est écartée, ce qui a pour effet de faire renaître le droit de partage.

  1. Une première exception s’applique si l’acquéreur est un associé historique, c’est-à-dire si l’actionnaire qui a apporté lui-même le bien immobilier dans la société à l’époque était déjà actionnaire au moment où la société a acquis le bien avec paiement des droits d'enregistrement.
  2. Une deuxième exception concerne la règle dite « d’attente ». Dans ce cas, seul un droit fixe général de 50 euros est appliqué lors de la liquidation ou du remboursement de l’apport. En cas d’affectation ultérieure, on vérifie alors si le bien immobilier appartient à un partenaire historique. Si c’est le cas, le droit de partage s’applique alors également.

Cette position a été explicitement confirmée dans une prise de position fédérale du 23 octobre 2018 et dans plusieurs décisions antérieures de VLABEL.

Conversion d’une SA en SRL : la solution ?

Cette différence de traitement pourrait pousser les contribuables qui envisagent une sortie à convertir leur société anonyme en société à responsabilité limitée. La question est de savoir si cette conversion ne constitue pas un abus fiscal.

Dans une précédente décision de janvier 2021, VLABEL n’a pas qualifié d’abus fiscal la conversion d’une SA en SRL suivie d’une sortie du bien immobilier.

De quoi s’agissait-il ?

Il était question d’une société anonyme créée dans le but d’accueillir trois activités différentes au sein de la société. Afin de mener à bien ces activités, tout le rez-de-chaussée de l’immeuble, construit par la société, était considéré comme revêtant un caractère professionnel. Avec la diminution progressive des activités, la conversion de la SA en SRL est apparue opportune. Cette conversion était motivée, d'une part, par la baisse de l’activité et, d'autre part, par le fait que le caractère ouvert de la SA n’était plus nécessaire.

Trois ans après la conversion, seule une des trois activités générait encore des revenus. Ces derniers diminuant également, il fut décidé de convertir la SRL en société unipersonnelle. La société fut liquidée et le bien immobilier, réparti entre les actionnaires.

VLABEL a approuvé l’application du droit de partage dans la situation susmentionnée dans la mesure où la conversion était motivée par plusieurs motifs non fiscaux. Les actionnaires concernés ont en outre été qualifiés d’associés historiques.

La prudence reste de mise

Évidemment, un jugement positif ne fait pas à lui seul le printemps. Avant de sortir un bien immobilier, il convient de vérifier si la piste d’une conversion peut s’avérer intéressante, du moins tant qu’il n’est pas question d’abus fiscal.

Afin de minimiser ce risque autant que possible, il est préférable de justifier la conversion de la forme juridique pour des motifs autres qu’une simple économie d’impôt. Le délai entre la conversion et la sortie du bien immobilier peut également avoir toute son importance. Plus la période entre la conversion et la sortie ultérieure est longue, plus il sera compliqué de démontrer l’unité d’intention entre les deux.

N'hésitez pas à contacter notre équipe si vous souhaitez obtenir de plus amples informations sur le droit de partage et le droit de vente.

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Dimitri Lemeire

Dimitri Lemaire

Director Tax & Legal Services

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Hitoshi_Vanlangeghem

Hitoshi Vanlandeghem

Senior Associate Moore Law

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